Copenhague : Borgen, Christiania, The Killing – et si les scénaristes connaissaient tout le code pénal

Posté le 2 novembre, 2013 dans divers

Copenhague. Ce Danemark des pays nordiques qui ont la cote : une économie stable et innovante, une criminalité basse, des impôts élevés mais des prestations et une cohésion sociales élevées, et des régimes politiques démocratiques et efficaces. Et surtout des finances publiques équilibrées. Pas nécessairement très fun pour certains – mais le paradis en comparaison du reste de l’Europe. Ce blog a aussi déjà extrapolé le lien religieux et sociétal sur la maîtrise des finances publiques entre les pays réformés du nord et leur incapacité sur ce plan des pays catholiques du sud. Dans ce Danemark moderne le « vieux » quartier alternatif de Christiania, encore visité comme une réserve d’Indiens par les touristes. « Bienvenue en enfer » était-il écrit sur le panneau de… sortie de retour vers la ville. Tristounet aujourd’hui Christiania. La ville resplendit de son dynamisme et de son design, et Christiania est plus un terrain vague graffité que l’idéal du village hippie autogéré dans la joie et les rapports humains supérieurement profonds et détachés du matériel. Les stands de cannabis, en fait un véritable petit marché, ne sont pas davantage l’aboutissement de la lutte libertaire des hippies pour vendre et consommer librement une substance qui leur fait plaisir, cimente leurs rapports sociaux, et n’est pas plus dangereuse que l’alcool – drogue officielle. Ils sont visiblement tenus par des gangs musclés et bien peu Danois qui exploitent la tolérance envers cet ex-écoquartier expérimental. Un véritable service d’ordre patibulaire monte discrètement la garde, que les touristes déambulant béatement en admirant cette tolérance ne remarquent même pas. Et ce qui rappelle que la seule voie en termes de légalisation est plutôt celle de l’Uruguay que de laisser des gangs commercer.

Copenhague c’est aussi Borgen et les séries TV. Une industrie florissante s’étant affirmée comme une alternative à la production américaine, piètre dans son ensemble sauf quelques contre-exemples. Hollywood a pour lui la puissance financière en termes de production que lui donnent un marché intérieur immense et une diffusion mondiale. Le Danemark doit compenser par la qualité du scénario et l’esprit européen qui fait sortir les trames du rapport de force manichéen omniprésent (et réducteur et fatiguant) dans les fictions américaines. Le succès de Borgen repose comme celui de Millenium (l’original) sur le réalisme : des personnages normaux, vraisemblables, proches. Il repose également sur l’intérêt pour la chose politique, les sujets de société, le rapport à la presse quatrième pouvoir, la vie familiale (de Birgitte Nyborg) et la normalité des politiciens gestionnaires dans ces pays-là. Mais il y a aussi The Killing. Là le thriller n’est plus seulement politique mais aussi policier et appelle la réflexion que les scénaristes devraient sortir de la domination du meurtre et de l’assassinat. Oter la vie est bien sûr l’atteinte au bien protégé le plus important des hommes. Mais c’est facile en termes de fiction : le meurtre indigne, révolte, suscite colère, vengeance et permet de mettre en scène douleur et empathie. Et The Killing l’exploite bien mais in fine le démarrage puis cette enquête interminable de rebondissements est plus douloureuse qu’autre chose. L’intelligence des rebondissements n’est pas une fin en soi et devient vite irréaliste.

Les scénaristes devraient donc lire tout le code pénal car il s’y trouve des dizaines d’autres infractions exploitables et passionnantes s’il faut rester dans la fiction policière et le suspense : il y a les infractions informatiques, l’extorsion et le chantage, contrainte et menace, le secret commercial, la sphère privée, les infractions contre la justice et la démocratie, le sabotage, les produits dangereux, les maladies et épizooties, le faux monnayage, la traite d’êtres humains, la soustraction d’énergie, les infractions politiques et de trahison, etc. etc. Evidemment c’est plus compliqué à concevoir et scénariser surtout s’il faut faire durer la même enquête sur trois saisons. Mais les panachages sont possibles comme les trames par épisode dans la trame dans la durée de The Good Wife par exemple. Les juristes qui se sont essayés à la fiction ont connu des fortunes diverses. L’avocat a, par la multiplicité et la diversité des cas qu’il traite, mille histoires à raconter. Passer de l’écriture utilitaire et professionnelle, formelle comme l’est le débat juridique, à la fiction, est une autre chose bien sûr. Mais les scénaristes devraient lire tout le code pénal.

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