Les juristes ne sont pas des bons mathématiciens, c’est bien connu – avocats et juges s’en remettent à des experts dès qu’il y a le moindre chiffre ou le moindre calcul dans une procédure, avec pour effet un allongement de celles-ci. Au titre de statistique incontournable, le 100% des utilisateurs de la justice sont mécontents de ses délais de traitement. La statistique est pourtant une science utile. Un événement social n’est en effet perçu de manière complète que s’il est rapporté à sa prévalence. De fait la statistique est devenue un appui incontournable et une nécessité dans toute étude relevant de sciences humaines. Pourtant, les juristes n’y sont pas habitués et certainement pas dans l’appréciation de l’activité des tribunaux. Il y a un fondement intuitif mais seulement partiellement juste à cela : chaque cas est différent dans son appréciation juridique interne de sorte que la statistique ne donne qu’une indication limitée sur le sort qui lui sera réservé. Ailleurs plus que chez nous, certains étudient pourtant en détail la justice sous cet angle avec un apport tout de même matériel à la prévision. Ainsi aux Etats-Unis l’activité de la Cour Suprême est-elle disséquée sous de nombreux angles statistiques. Quels sont les juges rapporteurs les plus rapides et les plus lents, et leurs délais moyens de décision. Combien de questions les juges posent-ils lors des plaidoiries. Quels juges sont-ils régulièrement d’accord ou en désaccord. Quelles sont les frontières idéologiques – puisque la Cour Suprême est une cour politique. Quels sont les avocats qui y plaident le plus fréquemment. Et c’est diablement intéressant et… complexe (ici le dernier rapport de 53 pages). En Suisse ?
En Suisse il y a le rapport de gestion du Tribunal fédéral qui donne un certain nombre d’indications utiles que ce blog a analysées dans son rapport 2009 l’année dernière. Le rapport 2010 est sorti. Rien de la précision et de la catégorisation poussée de l’analyse de ScotusBlog mais des chiffres tout de même intéressants dans leur globalité. Et des sections intéressantes en fonction des dadas de chacun comme celle en page 15 sur les recours auprès de la CourEDH (huit requêtes admises sur onze traitées en 2010 avec un bref résumé dont sur le très essentiel pour les avocats droit à la réplique que le TF a beaucoup traîné les pieds à véritablement consacrer). Et les statistiques proprement dites. En 2010, 7’424 affaires ont été liquidées. La quasi-totalité sont liquidées en moins d’une année, ce qui est bien, et seuls 16,1% des recours sont admis ou renvoyés. Cette proportion est faible mais elle trompe toutefois si elle est rapportée au total. Elle est supérieure si elle est rapportée au total hors les arrêts d’irrecevabilité. Les recours rejetés sont néanmoins tout de même de 45,3% toutes matières confondues. L’amateur peut pousser par matières et affiner s’il le souhaite. La statistique permet-elle de détecter des déviances ? L’exercice est plus délicat vu la multiplicité de facteurs entrant en jeu dans une décision de justice. Mais lorsque aux Etats-Unis un juge accueille 99%, ou un groupe de vingt-sept juges 95% d’un type de demandes d’indemnisations invalidité – sur une moyenne nationale de 60%, cela suggère naturellement un problème. Cela avait été le cas en Suisse également envers le TF tranchant excessivement en faveur de l’administration en matière fiscale dans une analyse sur l’exercice 2004.
[…] le Tribunal fédéral liquide environ 7′000 affaires par an (7′424 en 2010 – cf. ce blog et ce blog). Seuls 16,1% des recours ont été admis en 2010 – ce qui laisse un bon nombre de […]
[…] degré de justesse et de fiabilité raisonnables (sur les statistiques cf. ses rapports de gestion, ce blog et ce blog). Il n’est pas confiné à la juridiction constitutionnelle et sélectionnant les […]