Droit de grève et Habeas Corpus des chimpanzés

Posté le 14 décembre, 2014 dans actu / news

Ne voyez pas le mauvais esprit habituel de ce blog dans l’association entre ces deux sujets ce soir. Tommy le chimpanzé, ou plutôt ses avocats, avait demandé à une Cour d’appel New-Yorkaise de bénéficier du droit d’Habeas Corpus contre ce qui est, finalement, une détention arbitraire. Ne riez pas – les droits des animaux sont une chose très sérieuse, plusieurs fois évoquée ici, avec des distinctions juridiques et scientifiques ardues, comme les différents degrés de perceptions cognitives entre espèces, leur souffrance ou conscience présumée, etc. Eh bien Tommy a perdu. Comme les orques, un chimpanzé n’est pas une « personne » bénéficiant des droits concernés. Cette fois le raisonnement est que ces droits se composent avec des obligations, ce qui est la base de l’appartenance sociale et, in fine, de la démocratie, de la liberté et du contrat social lui-même. Les chimpanzés ne peuvent les exercer ni assumer de responsabilité – dont il découle qu’ils ne peuvent invoquer ces droits isolément. La Cour rassurera les amis des animaux : ils jouissent de nombreuses protections juridiques et légales autres, et il n’appartient qu’au législateur de leur en accorder plus encore avec l’évolution des moeurs et de la connaissance de leurs perceptions. Les chimpanzés feront-ils la grève lorsqu’ils auront pris le pouvoir ? En attendant évoquons celui des hommes – en quelques mots.

Le droit de grève est une notion juridique, parce que la grève participe (elle) du contrat social – et a été reconnue comme un droit au plan général. Avant qu’elle le soit, dur acquis de l’histoire capitaliste, elle était une violence – à laquelle la force et les fusils ont parfois répondu. Qu’elle soit devenue un droit, une prétention juridique sujette à discussion et à arbitrage judiciaire, est ainsi une bonne chose. Toujours est-il que la grève reste un acte de violence, un acte de contrainte de citoyens envers d’autres. Cela est problématique par le levier que cela donne à certaines catégories de travailleurs ayant un fort pouvoir de nuisance sur d’autres citoyens. C’est un privilège que nombre de commerçants, d’indépendants, d’autres travailleurs, n’ont pas. Et partant une injustice envers ceux-ci qui n’ont ni les moyens de se venger, ni les moyens d’influer sur le débat, ni les moyens de se défendre. Lorsque ceux qui se mettent en grève sont payés avec les impôts de ceux qui n’auront jamais la possibilité de disposer de cette arme pour défendre leur propre pré-carré, le mépris et l’indécence s’ajoutent à cette injustice.

Les syndicalistes s’indignaient de la virulence des réactions envers la dernière grève des TPG. S’offusquaient de ce que les usagers ne fassent cas ni compréhension ou compassion des problèmes et conditions de travail dénoncés. Mais là n’est précisément pas la question. Il devient, finalement, dans le contrat social actuel, indécent que seuls certains aient ce pouvoir de nuisance et ce levier-là. Si la grève est devenue justiciable en devenant un droit, les conditions dont se plaignent les grévistes le sont par définition aussi. Et la fonction publique doit par définition respecter l’expression démocratique, y compris au plan budgétaire – son employeur. Quant à ceux qui ne possèdent aucun levier, nous pourrions tous faire la grève des billets le lendemain d’une grève des TPG. Personne ne paie : pour manifester, comme eux finalement, notre désapprobation, par un acte unilatéral et violent, mais que nous érigerions aussi en droit. Les syndicats ont tort d’aller dans cette voie car elle ne fera qu’augmenter la réprobation et l’animosité de la population envers des castes de travailleurs déjà privilégiées par rapport à d’autres. Et ce n’est pas bon.

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