Désolé deux posts de suite sur l’armée – mais c’est l’actu. Samedi soir l’armée irritait par des sottises. De simples sottises. Ce soir elle effare, effraie et consterne – par une incompétence confinant au crime. Samedi soir, interviewé par le TJ, le brigadier Froidevaux disait que la Patrouille des glaciers pouvait être mise en péril par deux choses : l’initiative du GssA – vu qu’elle visait la fin de l’obligation de servir -, et le budget, vu qu’elle coûte cher. La Patrouille, comme déjà dit, est une des rares choses que l’armée fait de bien. C’est une de ses rares opérations marketing à succès. Il faut être bien ânes pour envisager supprimer cette seule vitrine, ce seul élément faisant plus ou moins l’unanimité de sympathie envers elle. Dire que l’initiative du GssA la met en péril est une mécompréhension atterrante du « problème ». Dire qu’elle est en péril pour des raisons budgétaires est idiot. Elle ne coûte même pas un train d’atterrissage ou un aileron de l’inutile et médiocre Grippen. Elle ne coûte même pas le carburant de la moindre grande manœuvre à chars et artillerie. Et elle coûte probablement moins que la solde des cinquante types à temps plein que le chef logistique a indiqué au TJ ce soir avoir mis depuis une année (!) sur l’affaire des 27’000 armes manquantes.

Alors que l’armée devrait urgemment se mettre à niveau pour protéger le pays contre les menaces informatiques et électroniques, étant les armes du présent et du futur qui viseront à détruire ou paralyser les communications, l’approvisionnement énergétique, les systèmes civils et militaires et les réseaux dont ils dépendent, etc., elle perd la trace de 27’000 armes à cause de « problèmes informatiques » [UPDATE 7.5.12 : le Conseil fédéral envisage de sortir de l’armée cette mission de protection informatique et de la passer en mains civiles]. Scary et hallucinant. Scary parce qu’au plan de la menace informatique et électronique, nous ne sommes manifestement pas protégés si l’informatique de l’armée est incapable de répertorier et de tracer 27’000 objets numérotés. Hallucinant parce que parmi elles des armes de guerre qui sont unaccounted for. Et cela alors que les armes de service tuent trois-cent personnes par an en Suisse alors qu’il n’y a (et heureusement mais pas grâce à elles) plus eu de conflit nécessitant leur engagement depuis plus de soixante ans. Certes il ne manquerait pas 27’000 armes. Ce qui serait un comble. Mais il y en a un nombre non-élucidé dans la nature dont plusieurs centaines, 733 semble-t-il, en mains de personnes potentiellement « dangereuses ». L’armée a une fois de plus caché le problème, menti, violé les exigences de transparence.

Quelqu’un sera-t-il déclaré responsable de ce fiasco ? Et poursuivi pénalement si une de ces armes manquantes décime une famille ou tue un voisin de plus ? Certainement pas. La justice militaire n’en est pas capable parce qu’elle est composée de… militaires. Il est aujourd’hui essentiel et urgent que la compétence judiciaire militaire soit mise en mains civiles. Pour le reste personne ne démissionnera ni n’assumera. Comme pour tous les grands fiascos institutionnels de Suisse, c’est un « problème », la faute à pas de chance. Manquerait-il 27’000 ou même 1’000 seringues au CHUV ou aux HUG, manquerait-il 27’000 boulons ou stylos à l’inventaire de la moindre entreprise privée, que les responsables seraient licenciés et le cas échéant poursuivis. Manquerait-il 27 fusils chez un armurier dans n’importe quel canton qu’il serait poursuivi et taxé d’irresponsable, se verrait retirer son autorisation. Pas à l’armée. Ils font presque de la peine – et appellent ainsi la question suivante : pourquoi l’armée est-elle aussi systémiquement incompétente alors qu’elle est la somme d’hommes qui sont sûrement très convenables dans la vie civile et professionnelle ? Et cela alors que toutes les recherches en neurosciences arrivent à la conclusion que l’homme est plus intelligent en groupe que seul. La poser est-il y répondre ?