En été 2007 il valait mieux investir dans Madoff que dans UBS, Citi ou autres – et où cela en est-il ?

Posté le 16 septembre, 2012 dans actu / news

Madoff est un horrible escroc. Il purge 150 ans de prison. Il a détruit des vies, des familles, la sienne, en faisant croire à ses clients que leur argent fructifiait, recevant de leur part 17 milliards de dollars redistribués à sa guise moins ses propres prélèvements, et leur faisant croire qu’ils avaient collectivement accumulé 65 milliards chez lui. Pendant ce temps, les banquiers légitimes ont détruit cinq mille milliards de dollars de valeur et ruiné investisseurs et propriétaires dans la crise des subprimes – mettant les marchés eux mêmes à terre. La suite est connue : personne n’est en prison, certains bonus ont à peine baissé et les banques concernées ont été sauvées par les Etats à l’exception de Bear Sterns, Lehman et pour partie Fortis. Comme relevé par le Faber Report sur CNBC sous le titre Bernie vs. the Banks, quatre ans plus tard, les investisseurs ayant ainsi acquis UBS, Citigroup, BNP Paribas, AIG, ont perdu respectivement 80%, 93%, 55% et 97% (du 30 juin 2007 à ce jour). L’indice des bancaires a perdu en Europe 86% sur la période. L’investisseur ayant placé chez Madoff au même moment sans rédempter recevra lui entre 60 et 80% de sa mise – plus un intérêt à définir. Le remarquable trustee Picard, liquidateur de sa faillite, a déjà recouvré 9,6 milliards sur 17,3 de « net in ». Cela donne à ce stade un dividende de 52% mais qui croîtra probablement vers les 70% puisqu’il peut escompter encaisser encore plusieurs milliards et réduire le passif de quelques centaines de millions. Pas la même chose ? Aucun lien ? Si.

L’appât du gain est le moteur de ces deux catastrophes – mais la crise des subprimes ayant été infiniment plus dommageable que Madoff. Les acteurs sont les mêmes. Madoff est un vrai escroc mais d’innombrables professionnels de la finance se retrouvent dans son paysage et ont créé des fonds « feeder » pour l’alimenter et percevoir au passage, sans vérifications ni comprendre ce qu’il faisait, plus de vingt feeders aux BVI par exemple. HSBC, Santander, UBS, BNP Paribas, UBP et d’autres banques majeures ont servi de dépositaires et administrateurs sinon créateurs de ces fonds pour l’alimenter, 33% à elle seule pour HSBC, percevoir également au passage, sans exercer correctement leurs devoirs de contrôle, de diligence ou même de simple compréhension.

Ou cela en est-il donc ? Au Luxembourg la Cour d’appel n’a toujours pas rendu son jugement dans l’affaire Luxalpha sur une pourtant simple question préjudicielle, et en Irlande le premier test case dans Thema est enfin agendé fin-novembre soit quatre ans plus tard (cf. ce blog). Aux Etats-Unis la question du net in (ou net equity) est réglée (cf. ce blog). La Cour d’Appel du 2ème Circuit à New-York rendra bientôt ses arrêts sur deux points cruciaux pour savoir de combien in fine le dividende sera dans Madoff, soit sur la portée du clawback et les actions en dommages intérêts. Picard mène plusieurs centaines de procès contre quatre mille défendeurs dans plus de trente pays. Ses trois procédures principales contre JPMorganChase, HSBC et UBS portent sur plusieurs milliards. Les créances directes admises se traitent à 60 cents on the dollar – mais les créances de la majorité des feeders ne sont pas encore admises jusqu’à résolution de la question du clawback, différente pour chacun d’eux. Le trustee distribue 2,5 milliards supplémentaires – mais devant maintenir une part sous forme de provision pour tenir compte des deux cent trente-sept productions encore litigieuses et en suspens, et de la question de savoir à quel taux l’intérêt se situera entre 3 et 9%. Les chiffres donnent le tournis : le trustee Picard et son équipe ont facturé cent trente-quatre mille heures au taux moyen discounté de 357 dollars de l’heure. N’en déplaisent à ceux qui critiquent ces coûts et son assiduité : Madoff a causé moins de dégâts que les banquiers légitimes et celui qui avait investi dans Madoff en 2007 s’en sortira mieux qu’avec ses actions de grandes capitalisations boursières. Moralité ? Aucune.

une réponse à “ En été 2007 il valait mieux investir dans Madoff que dans UBS, Citi ou autres – et où cela en est-il ? ”

  1. […] sur LawThinkTank, le plus remarquable des blogs juridiques suisses : Les chiffres donnent le tournis : le trustee […]

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