La Cour Européenne des Droits de l’Homme : Une Black Box – mais qui fonctionne ?

Posté le 29 janvier, 2013 dans justice

Un communiqué de presse du greffier de la Cour fait une brève exégèse du bilan 2012 dressé par le Président Spielmann lors de la conférence de presse annuelle du 24 janvier 2013. Pour les avocats, l’analyse statistique annuelle est utile – car donnant un bon aperçu du taux de succès des requêtes et des moyens qui sont accueillis, ou non. Mais le fait marquant de l’année est que pour la première fois depuis 1998, le nombre d’affaires pendantes a diminué de 16% environ, passant de plus de 150’000 requêtes pendantes à 128’000. Les dernières réformes structurelles et procédurales de la Cour, dont elle se félicite, ont permis ce pas dans le sens d’un désengorgement. Tant mieux car pour les praticiens, la Cour est une Black Box : personne ne répond jamais au téléphone ni au courrier lorsqu’une partie s’enquiert de ce qui se passe parfois même plusieurs années après le dépôt d’une requête. Un fonctionnement opaque et confiné qui ne répond pas lui-même aux réquisits modernes de transparence et de justice. L’engorgement n’est pas une excuse. En aperçu des statistiques pour 2012, le communiqué donne le hit-parade des arrêts rendus en une année constatant une violation à l’égard de l’Etat membre concerné.

La Russie est en tête (122 arrêts), ce qui n’est pas très étonnant, mais ensuite la Turquie (117 arrêts) ce qui l’est un peu plus, puis la Roumanie (70 arrêts), l’Ukraine (69 arrêts), la Bulgarie (58 arrêts), la Pologne (56 arrêts) et la Grèce (52 arrêts). La présence de cinq Etats de l’ancien bloc communiste sur les six premières places est illustratif de leur déficit en matière de droits fondamentaux, ainsi que du bas niveau de leur système judiciaire et du niveau d’influence/corruption dont ils souffrent. C’est dire les progrès qui doivent encore être accomplis dans ces Etats – mais dont la construction Européenne en général et la Cour européenne des droits de l’homme en particulier sont un moteur essentiel et concret. Même si cela prendra du temps. Plus étonnante est la présence de la Turquie dont l’histoire constitutionnelle, juridique et judiciaire est très différente des pays de l’ex-bloc communiste. Idem s’agissant de la Grèce. Le communiqué expose encore la statistique des quatre Etats contre lesquels la majorité des affaires pendantes au 31 décembre 2012 sont dirigées. A nouveau sans surprise, la Russie (22,3%), la Turquie (13,2%) et l’Ukraine (8,2%) mais, de manière plus surprenante, l’Italie – pour 11,1 %. Comme évoqué sur ce blog en 2011, la statistique complète et le rapport annuel de la Cour sont éclairants pour comprendre la répartition géographique (géopolitique ?) des procédures et des violations constatées, et les chances de succès, en fonction également des droits en cause, d’un recours (requête individuelle) devant la Cour.

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