Ce blog a plusieurs fois évoqué ce double phénomène de procédures de recours devenant exclusivement écrites et de l’aversion de certains juges pour l’audience. Avec un risque de déshumanisation de la justice – alors qu’elle, le droit, participent d’une science humaine par essence. L’avocat dans les procédures de recours ne travaille lui-même plus que sur sa chaise devant son ordinateur, il poste le recours à des juges qu’il ne connaît pas, se détermine par écrit en réponse ou en réplique, et reçoit un jugement ou arrêt par la poste. End of story. Il fait l’interface entre son client et la justice, mais laquelle dans nombre de procédures ne le verra pas même comparaître. Le justiciable sera confronté à des décisions de justice sans avoir souvent vu un moindre juge. Ou alors lors d’une brève comparution personnelle lors de laquelle les rares mots qu’il aura pu prononcer l’auront été de manière formatée et réduite, rendant l’exercice artificiel et frustrant. Certes le justiciable se sera exprimé par son avocat, par écrit au demeurant et par une écriture qu’il aura normalement façonnée avec celui-ci. Certes le droit d’être entendu est respecté par ce processus. Mais tout cela est bien déshumanisé finalement si le justiciable et son avocat ne voient presque plus le juge. Et la fiction procédurale que les faits sont parfaitement et exhaustivement établis en première instance en est précisément une réductrice et peu réaliste également – l’un des défauts in fine du nouveau CPC. Certains juges considèrent-ils que le procédé écrit permet une justice efficace ? D’autres se sentent-ils isolés dans leurs cabinets et regrettent-ils de ne plus voir ni entendre ni justiciable ni avocats dans les procédures de recours ? Faut-il se soucier de cette déshumanisation de la justice par correspondance ?
Ces réflexions sont inspirées par une nouvelle audience de la Cour d’appel du 2ème Circuit à New-York à laquelle j’ai assisté cette semaine – lors de laquelle les plaidoiries, sous forme de débat avec les juges, furent animées et précises. Comme je le relatais en 2010, ce format de plaidoirie-discussion est difficile, à des lieues de nos systèmes, mais terriblement efficace, requiert des plaideurs et des juges d’être à 1000% au fait du dossier, des faits et des points de droit en jeu. L’exercice fut magnifique car les avocats étaient de grands noms et l’affaire passionnante – mais surtout de voir certains résister au choc de l’argumentation avec les juges qui testaient la position de chacun, et d’autres marquer le pas oratoirement ou toucher aux limites de leur position de fond. Bref de voir une partie de la décision se créer en audience par le débat, par l’échange, par la discussion de la chose juridique – inhérente finalement au droit. Et cela de faire ressortir la frustration de l’avocat suisse qui ne plaide quasiment plus en appel, particulièrement en matière civile, que par écrit, et spécialement au Tribunal fédéral. OK car l’exercice de rédaction est une manière de s’exprimer judiciairement, qui peut-être efficace et opportune. Mais avec le risque d’une justice strictement par correspondance, pour partie déshumanisée et privée de l’échange propre à l’argumentation orale et en personne. La forme écrite a ses limites – gardons le à l’esprit et que les juges veillent à sauvegarder l’échange oral partout où la procédure le permet.
[…] convenablement ? Une large part de la justice est virtuelle également pour le justiciable : comme dit il ne voit jamais les juges d’appel ni au Tribunal fédéral – même s’ils […]