Pas d’interdiction des jeux vidéos violents aux Etats-Unis – les motifs de l’arrêt de la Cour Suprême

Posté le 2 octobre, 2011 dans actu / news

Prononcé le 27 juin 2011 l’arrêt de la Cour Suprême des Etats-Unis attendu par ceux qui, comme le LawThinkTankBlog, trouvent insensés les jeux vidéos dans lesquels les joueurs, souvent jeunes ou même enfants, trucident, mitraillent, flinguent et canardent à tout va, qu’il s’agisse de guérilla urbaine, de gangs ou de scènes de guerre véritable. Et bien sick dans leurs têtes les scénaristes et les éditeurs d’un tel contenu. La violence est l’un des propres de l’homme, Homo Sapiens est un prédateur timide mais guerrier, et peut-être est-il utopique de vouloir l’occulter. Ou alors le débat retombe-t-il rapidement sur la proposition simpliste qu’il vaut mieux jouer la violence que l’exercer réellement, que la jouer est son exutoire. Ou sur le fait que tous les enfants du XIXème siècle et du début XXème jouaient aux soldats, à la guerre, ou aux soldats de plombs sur des maquettes de champs de bataille. Que le Ministère de la Défense s’appelait avant le Ministère de la Guerre. Toujours est-il que certains de ces jeux vidéos actuels sont d’une violence inouïe et débile dont il est difficile de dégager un intérêt ludique genuine – et la santé mentale de leurs créateurs. Le problème doit être d’une certaine acuité puisque l’Etat de Californie, pourtant le lieu d’une large partie de la production mondiale de jeux vidéos et productions visuelles violentes, et sous la houlette de Schwarzenegger lui-même, avait passé une loi pour les interdire. Et qu’en Suisse la question est également débattue en politique. La Cour Suprême des Etats-Unis vient de casser la loi californienne sur le fondement de la liberté d’expression du Ier amendement de la Constitution. A l’heure où chaque joueur de jeux vidéos violents ne devient pas un délinquant violent, mais où chaque délinquant violent à joué à des jeux vidéos violents, le raisonnement de la Cour mérite un certain intérêt.

Pour la Cour Suprême, cette loi prête le flanc dans l’imprécision de certains concepts mais, surtout, la représentation de la violence est libre et protégée par la liberté d’expression du Ier amendement. Il n’y a pas de distinction en termes d’expression entre le chef d’oeuvre littéraire et le jeu vidéo – ce à quoi ne change rien le fait qu’il soit difficile d’identifier ce qu’apportent certains de ces jeux à la société. La Constitution s’applique même lorsqu’il s’agit de la protection des mineurs et le visionnement de jeux vidéos violents a droit à la même protection que la littérature, le théâtre, le cinéma. Il est licite de réglementer l’obscénité. La violence n’est pas obscène en soi. Certains contes pour enfants sont d’une violence littéraire qui ne rend rien aux jeux vidéos, et si lire Dante est plus érudit et intellectuel que jouer à Mortal Kombat, cette distinction culturelle et intellectuelle n’est pas une distinction constitutionnelle. Dont acte et en ces mots. Deux juges ont prononcé une opinion dissidente. Dans celle du Juge Breyer la phrase suivante, exprimant un risque de contradiction avec la jurisprudence de la Cour en matière d’obscénité : « But what sense does it make to forbid selling to a 13-year-old boy a magazine with an image of a nude woman, while protecting a sale to that 13­ year-old of an interactive video game in which he actively, but virtually, binds and gags the woman, then tortures and kills her? ». Ce contentieux n’est pas clos. Il touche également à l’éducation et à la primauté que doivent/devraient avoir les parents sur ce que font leurs enfants. Aux libertés fondamentales fortes de la Constitution. A la puissance d’une industrie – mais laquelle a compris qu’elle doit s’appliquer certains garde-fous pour ne pas s’exposer par trop. Et à la large acceptation que l’Etat limite législativement certains dangers. Il reviendra sur le tapis – ainsi que la Cour elle-même le réserve.

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