La philanthropie est à la mode. Non qu’elle soit nouvelle – mais devenue une nouvelle niche d’affaires pour banques privées et autres corbeaux et renards qui la markètent abondamment. Et dont médias (complaisamment) et réseaux sociaux permettent de décupler l’écho. Elle flatte tous ceux à qui elle permet de se montrer et de se frotter les uns contre les autres – donateurs, banquiers, marchands d’art, élus, recteurs d’écoles, notables choisis dans les conseils de fondation, etc. Donner profite et ne peut donc être mal, cela fait vivre des gens – donc tout est bien et beau, et tout le monde il est content ? La réalité est, bien sûr, moins angélique.
La pandémie a causé 3,7 trillions (3’700 milliards) de pertes aux travailleurs dans le monde – et augmenté la fortune des 1% d’Américains les plus riches de… 7 trillions. Aux États-Unis, les 5% les plus riches possèdent 66% de la richesse totale – et il en va de même partout. Selon l’adage, la collectivité supporte les indemnisations, les travailleurs supportent leur pertes non-indemnisées, et les possédants s’enrichissent sans redistribution. Ceci pour dire que la philanthropie, si elle importe à l’échelle de celui qui reçoit, ce qui est un bien, apparait en décalage criant avec le problème que représentent désormais ceux qui donnent, et qui ne donnent qu’une infime proportion de ce qu’ils ont. Facile d’être un défenseur des océans ou de la culture – en donnant même 20 millions sur 2 milliards ou 500 millions. Là n’est pas la question car ils n’ont aucune obligation de donner, et la philanthropie ne visant pas à résoudre ce problème ? Il est injuste donc de taper sur elle ?
Eh bien si et non – sachant qu’en outre, fréquemment, s’il y a quelques mécènes sincères, le don consiste à s’acheter une bonne conscience ou une exposition médiatique pro domo à finalement faible prix. Une bienveillance qu’on s’achète par le seul jeu de l’argent – qu’on ne recueillerait pas autrement. Et lorsque ce n’est pas s’acheter également une reconnaissance sociale voire de l’influence, qui est une forme de corruption, de la part de fortunes mal acquises (et ce « mal » représentant une vaste zone de tous les tons de gris). La philanthropie constitue un secteur économique et il est opportun aussi de laisser des possédants donner selon leur choix soit hors de la redistribution via l’État. Mais ce qui ne résout rien – et la philanthropie pouvant donc être, au-delà du seul bûcher des vanités, terriblement hypocrite, discutable voire vile. Elle exige en tous les cas une vigilance élevée et de ne pas être dupe.