Dans les crises, l’attention se concentre sur le micro – au détriment du macro. Les gouvernements, l’économie, les ménages appréhendent la crise énergétique au plan des problèmes et des mesures, ponctuels et à court terme, qu’elle induit. La politique s’agitera sur un mode habituel : à qui profite le crime, ou à qui profite-t-il de désigner celui à qui profite le crime. Or, peu importe, le sabotage de Nordstream 1 et 2 est une chance de plus pour la planète – qu’il a fallu une guerre pour apporter.

De là, toute guerre induit un effort de guerre, et la rhétorique justifie sinon glorifie toujours l’effort de guerre. Faire un effort pour sauver la planète, en revanche, est freiné depuis trente ans par la résistance de l’économie et de l’énergie fossile, et leur influence indue sur les parlements et les gouvernements. Aujourd’hui encore, on fait tout pour ne viser que 2050 et pas avant ni sans garantie, malgré les signaux clairs que le réchauffement augmente plus vite que prévu. Il y a désormais l’objectif politique de ne plus financer un État qui fait la guerre et menace la stabilité et la prospérité. Cet objectif masque hélas celui, pourtant primaire, de boucler la transition énergétique et de ne plus acheminer du gaz ou du pétrole sur des milliers de kilomètres, par pipeline ou par bateau, avec le coût carbone propre à l’extraction et au transport.

Si l’objectif politique donne ainsi l’occasion d’atteindre l’objectif écologique, au moins cela. Faire sauter les pipelines (sic) était, avant même cette guerre et cette crise, la seule vraie solution pour faire enfin avancer la transition – comme plaidé par le Pr. Andreas Malm de l’Université de Lund (Suède). Réjouissons-nous donc ces sabotages – et peu importe le coût puisque c’est un effort de guerre. Non ?