Affaire Magnitski et déliquescence des institutions en Russie : L’incroyable roman noir d’Andreas Gross – son rapport préliminaire du 18 juin 2013 à l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe

Posté le 22 août, 2013 dans actu / news

Ce blog a déjà évoqué (cf. ici, ici, ici, ici, ici ou ici) l’inquiétante situation en Russie en matière de démocratie, de justice et d’Etat de droit. La combinaison entre un pouvoir autoritaire, une corruption endémique, et une mainmise de groupes mafieux sur certains pans de l’économie et du secteur public, ont un impact considérable sur, en vrac et sans exhaustivité, la société civile, l’égalité des chances, les droits fondamentaux, la liberté d’expression, la démocratie et le débat politique, la prospérité et la compétitivité économique, les relations internationales, etc. Ces difficultés ne sont pas l’apanage de la Russie – mais la Russie est une grande puissance qui possède les ressources intellectuelles, académiques et financières, et donc les moyens, pour surmonter en principe ces déficits institutionnels. L’attitude que doivent adopter les autres Etats face à la Russie ne peut faire abstraction de cette situation et est donc souvent délicate. Geste de mauvaise humeur, envie de rester en vacances ou signe d’une dégradation plus concrète, le président Obama a annulé une rencontre avec Vladimir Poutine – sur le prétexte de l’affaire Snowden. L’impact de cette dernière sur des relations qui comportent de nombreux compartiments et intérêts segmentés est toutefois probablement limité, au-delà de la question de principe et du dommage concret qu’il aura certainement été amené à dire toute la messe aux services russes sur la NSA. Parmi les difficultés que d’autres Etats peuvent rencontrer dans leurs relations avec la Russie, mais qui n’en est également qu’un compartiment, la coopération et l’échange d’informations en matière de justice pénale.

Faut-il refuser l’entraide judiciaire à la Russie au motif que les garanties fondamentales de procédure n’y sont pas réalisées, que l’appareil judiciaire russe est aux ordres du pouvoir politique, corrompu, et/ou instrumentalisé par des intérêts particuliers ? Ou faut-il au contraire coopérer dans l’espoir qu’à terme, cette coopération améliore, par l’échange et l’interpénétration du droit, la qualité de la justice russe ? La jurisprudence suisse possède des réponses, pas toujours satisfaisantes lorsque les juges ont une approche trop formelle ou méconnaissant la réalité ou sa gravité concrète. Ainsi l’affaire Magnitski, largement évoquée au plan international, se situe précisément ce contexte. Ce qui n’est de prime abord qu’un fait divers, une affaire criminelle parmi d’autres, soit un montage frauduleux destiné à obtenir et à détourner des remboursements d’impôts très importants par corruption puis quelques meurtres – est désormais une affaire d’Etat sur la scène internationale. Pour qu’une affaire criminelle donnée comme il en existe dans tous les Etats du monde, même si elle est corsée, prenne une telle dimension, il faut qu’elle soit à ce point exemplative de l’état général d’un système. Ainsi le projet de rapport d’Andreas Gross, député suisse à l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe, est-il non seulement un travail considérable et remarquable, mais malheureusement un véritable roman noir. Ce rapport (en. et fr.) se lit comme un roman avec un réalisme qui fait imaginer le film, les mentalités, la langue de bois, la brutalité et la soumission. Il donne une illustration précise et glaçante de l’affaire Magnitski allant par définition bien au-delà et pire encore dans l’injustice que ce que la presse en a rapporté. A lire absolument – comme un roman – noir ! Et avec l’espoir qu’il soit adopté et ait un effet sur cette situation.

imprimer cet article | Envoyer à un ami | Commentaires fermés sur Affaire Magnitski et déliquescence des institutions en Russie : L’incroyable roman noir d’Andreas Gross – son rapport préliminaire du 18 juin 2013 à l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe | RSS

laisser une réponse