
Droits des animaux : Nouvelle demande d’Habeas Corpus d’un chimpanzé
Ce blog a à plusieurs reprises (cf. ici) évoqué les droits des animaux – non sans se demander si, à une époque à laquelle tous les hommes ne mangent pas encore à leur faim et peu d’entre-eux ont accès au droit, s’activer pour ceux des animaux était un signe d’aboutissement ou de décadence. Et il peut être indécent de parler des droits des animaux après les droits de l’homme. Mais de fait les droits des animaux sont-ils un de ces sujets qui enflamment les passions aussi stupide le débat puisse-t-il devenir. Toujours est-il que j’adore et que les problématiques juridiques sont intéressantes. Si les orques de SeaWorld n’avaient obtenu d’être libérés de leur esclavage sur la base du 13ème amendement de la Constitution (cf. ici), faute pour celui-ci de s’appliquer à autres que les hommes en dépit de la sympathie du juge, un chimpanzé de l’Etat de New-York demande à être libéré en application de l’Habeas Corpus. Ou plus exactement une association de défense des animaux pour son compte, vu son défaut, précisément, de qualité pour agir. Un être n’ayant pas le statut d’humain peut-il agir ? La demande de rappeler que des Cours de Common Law ont rendu des jugements en faveur d’esclaves qui ne pouvaient non plus avoir de légitimation active. Des droits de la personnalité sont conférés également à des personnes morales – et par définition non-humaines. Enfin la demande plaide qu’un chimpanzé possède des facultés cognitives qui doivent exclure une détention qui en devient souffrance et illégale.
Cela se complique toutefois par la demande de reconnaissance que ce singe n’est pas une chose simplement sujette à possession par un humain. La demande contourne ensuite le problème de la détention par quelqu’un d’autre – dès lors qu’un chimpanzé ne peut vivre seul et ne jouit pas des droits civils et de l’autonomie de la volonté nécessaires à cette fin – par la requête d’une forme de remise en liberté dans un sanctuaire pour primates. De manière intéressante, l’association demanderesse se présente comme défendant les droits des animaux « non-humains » – rappelant que, sémantiquement, l’homme en est un. Elle développe ensuite longuement les capacités cognitives, l’intelligence et l’autonomie des chimpanzés – devant leur valoir de ne pas être détenus. Bref une personne autonome et complexe ayant le droit fondamental de ne pas être emprisonné. En demandant l’application du doit de l’Etat de New-York, l’association Nonhuman Rights Project espère éviter l’obstacle d’une application réservée aux hommes de la Constitution. Et de citer des cas dans lesquels le droit de l’Etat a déjà reconnu que l’homme devait assistance aux animaux ou leur conférait un certain statut et droit au bien être, et ne les considérait donc plus simplement comme une chose mobilière – par exemple l’attribution des animaux domestiques dans le divorce.
Pour certains cette démarche est vaine car comment distinguer un animal qui serait cognitivement complexe et autonome d’un autre qui ne le serait pas – et tenter cette distinction espèce par espèce est chose impossible. Pour d’autres, l’idée pourrait être de créer une catégorie d’êtres vivants sujets à propriété. Tiens – cela ressemble au droit suisse dans lequel l’animal n’est plus une chose selon la conception héritée du droit romain. Le droit suisse effectue une distinction en ce que la LPA est applicable aux vertébrés. Et le Code civil a été modifié en ce sens. Selon l’article 641a CC, les animaux ne sont… plus des choses mais, article 641a al. 2, les dispositions applicables aux choses valent pour les animaux (sauf exceptions). Si ça ce n’est pas typiquement du consensus à la Suisse ! Et quant au chimpanzé de New-York, nous verrons bien.